Donnez de la voix !

"Si les programmes politiques vous paraissent obscurs, faites confiance à votre mari. Peut-être que si vous le lui demandez gentiment, il poussera la complaisance jusqu’à vous expliquer les motifs de sa décision. En votant comme lui, vous ne ferez pas preuve d’ignorance ou d’excessive docilité, mais simplement de bon sens."
Pas de panique, je ne suis pas tombée sur la tête : nous sommes en 1946 et Françoise Giroud s’inquiète dans ELLE. Les femmes ont obtenu le droit de vote deux ans auparavant, mais 30 % d’entre elles se sont abstenues aux municipales de 1945. Or de nouvelles élections approchent. "Madame, ne restez pas chez vous !" supplie celle qui dirige alors notre magazine. Soixante-six ans plus tard, l’inquiétude se fait à nouveau sentir : il se profile presque le même taux d’abstention chez les femmes pour cette présidentielle (28 % d’après les sondages). Des chiffres record. La faute à qui et à quoi ? A ceux qui ont eu l’idée ridicule de placer le premier tour en pleines vacances scolaires ? Sûr que cela n’arrange pas les choses et qu’une procuration passe toujours – même si les formalités sont plus simples – par une file d’attente décourageante. A un "tous pourris" ou un "à quoi bon" ? Certes, la campagne a excellé en phrases perfides à travers lesquelles il a été difficile de se faire une idée de la société que l’on nous proposait. Mais l’heure n’est pas au "pourquoi". Il faut aller voter. Et pas parce que ce droit a été long à conquérir, que, dans certains pays, il est dangereux de l’exercer, et que patati et patata... Il faut aller voter pour se donner le droit à soi-même et devant soi-même de râler, manifester et protester plus tard. Voter pour dire que l’on n’est pas des moutons et que l’on peut sanctionner aujourd’hui, demain, après-demain. Puisque les élections vont se succéder, il faut prévenir que l’on ne laissera rien passer, que l’on va peser, comparer ce qui a été promis avec ce qui va être fait. Il faut aller voter parce que l’on est vivant, que l’on a un avenir, que l’on n’est pas soumis et que l’on ne se soumettra jamais. Il faut aller voter parce que les bulletins blancs ne sont pas comptabilisés et que l’on peut toujours choisir, à défaut du meilleur, le moins pire des candidats. Il faut aller voter parce que nous représentons, nous les femmes, 53 % du corps électoral. Et que nous ne laisserons personne nous influencer, même pas nos hommes.
Edito du Elle du 20 avril 2012 par Marie-Françoise Colombani
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