samedi 14 juillet 2012

Filippo Zanghí

"Vico Baglio Basilicò. Vico, ça veut dire une ruelle, une venelle, en plus petit encore et plus étroit. C’est presque un sentier, mais en pierre. Baglio Basilicò, c’est peut-être le souvenir d’un jardin, peut-être aussi en mémoire d’un villageois. Cette petite venelle, veinule latérale de la rue qui, de l’Eglise Santa Maria Immacolata, descend jusque dans la partie basse du village, s’agrippe à un monticule, un amas de vieilles bicoques morcelées et tassées les unes contre les autres, pas plus de quinze, qui font un quartier en miniature, un espace semi-privé, séparé, escarpé. Elle monte sur une douzaine de mètres, avant de faire un coude sur la droite pour gravir encore sept ou huit mètres et atteindre une placette minuscule et sans issue, ou plutôt une cour autour de laquelle se referment les maisons.La première maison sur la gauche en montant, dont la façade donne sur la rue, est dotée d’un perron en ciment, mordant sur la venelle, qui consiste en quatre marches d’escalier. Elle jouxte une étable dotée d’une porte en bois peinte en bleu. En face se trouve une autre étable, une ruine que Santino, le grand-père, avait louée le temps qu’il se décide à vendre son dernier âne. Elle fait partie de la plus ancienne construction encore debout de ce côté-ci de la rue. Ses murs ne sont faits que de cailloux superposés, de forme et de taille différentes. Les deux maisons sont comme les parois du hall d’entrée de la venelle.D’abord ouverte sur la rue, celle-ci se resserre en un couloir qui monte et rapidement s’évase en une petite cour intermédiaire bordée sur la gauche, successivement : d’un escalier aux marches bossues, érodées, creusées par plusieurs générations de sabots, permettant de joindre une autre porte peinte en bleu ouvrant sur la même étable que celle qui jouxte la maison au perron ; un autre escalier, s’enfonçant dans le sol jusqu’à une double-porte de bois peinte en marron ; enfin, plus haut, deux marches devant une porte vitrée protégée par des volets. Sur la droite, l’ancienne étable de Santino, qui emplit l’angle que forme la venelle en tournant, a été transformée en maison à deux étages, où le grand-père vit avec la grand-mère, et où il va mourir.Cette année-là, un matin, avant l’aube, Santino, en se levant, avait ressenti une douleur fulgurante dans le bas du dos, une étincelle, puis une morsure atroce qui l’avait forcé de se recoucher aussitôt. Anna s’était retournée pour lui demander ce qu’il avait. Il lui avait grommelé qu’il n’avait rien, qu’il n’arrivait pas à se lever. Puis il avait tenté à plusieurs reprises de se mettre en position, mais il n’y avait rien à faire. À peine avait-il posé le pied sur le sol que la douleur lui lançait de s’arrêter, de ne pas insister. Lui insistait tout de même. Il s’asseyait sur le bord du lit, esquissait un mouvement, se figeait pour voir, pour détromper, pour tenter de déjouer la douleur, et soudain tendait la jambe vers le sol, mais alors un cri électrifiant lui raidissait les membres et venait se lover dans son dos. À la fin, il s’était résigné. Il ne se lèverait pas aujourd’hui.Il avait septante-neuf ans..."
Extrait de "La Transition", roman de Filippo Zanghí (en cours d'écriture)
La suite sur son site...
Pin It

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de signer vos messages....
Drop me a line...
Emmanuel.

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.