"Je vois, devant moi, ce pont enneigé, la lumière bleutée du soir et des traces de loups. Depuis 2 jours, je suis dans la zone interdite de Tchernobyl. Je ne voulais pas y retourner. J'y avais passé trop de temps entre 2009 et 2011. Quatre mois à me perdre dans ce territoire interdit qui me fascine depuis mon premier voyage en 2001. Une attirance et une répulsion dans le même temps. La peur de la plaque trop contaminée. La zone est devenue pour moi un espace de réflexion. Tchernobyl ne m'intéresse plus, ni son histoire ni ses conséquences. Je voudrais fermer les yeux et oublier. Et pourtant, je vois Piotr qui marche dans la neige, il va traverser la zone interdite pour y voler du métal contaminé. J'entends Igor me dire, "je serais ton ombre". Je vois Larissa se déshabiller dans cet hôtel d'Ivankov "mais pourquoi je fais cela ?". Je sens l'haleine alcoolisée des miliciens. "Nous étions furieux. Vous arrêtez dans la zone, nous aurait valu une prime". Je vois Vladimir chanter et me faire boire à en être malade. Je vois dans les brumes alcoolisées cet homme se faire lyncher. J'entends le bruit sourd de son crâne cogner le sol, J'entends mon radiomètre crier, et me dire je ne dois pas rester. Tchernobyl vrille ma tête et mes repères, et aujourd'hui il est bien difficile de m'en défaire. Et puis il y a ce pont, et ces traces de loups dans la neige. Il y a cette eau noire et profonde. La rivière Uzh. Je dois partir. Un pas de trop, un choc, je sens l'eau glaciale me transpercer et me rend compte que la neige cachait un trou. Mon tibia est touché. Rien de grave, si ce n'est la peur. Et la confirmation que pour moi le voyage doit se finir."
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Emmanuel.
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