lundi 26 janvier 2015

Corinne Mariaud

"Smile - I try so hard"  "Un sourire comme on l’attend d’elle, un sourire discret, un sourire de convenance, un sourire qu’elle va pousser à l'extrême, jusqu’à l’épuisement. Elle le fera ... c’est ce que l’on attend d’elle, mais comme un hurlement, un cri silencieux, comme un visage désaccordé. Et vous le sentirez grincer, beau comme une menace."     
Dans ce projet, j’explore le sourire : cette expression du visage apparaissant dès les premiers mois du nouveau-né, universelle, reconnaissable par tout un chacun, et en même temps mystérieuse. Mouvement des lèvres et des yeux, mobilisant pas moins de dix-sept muscles, le sourire a depuis toujours attiré l’attention des artistes, que ce soit le léger frémissement des lèvres de Mona Lisa, les bouches écartées des masques de la comédie grecque, reprises par l’artiste contemporain Yue Minjun.  Exprimant la sympathie, le plaisir, la complicité, invitant à la détente dans les échanges entre humains, le sourire peut également exprimer la gêne, voire la peur. Selon le psychiatre et psychanalyste Boris Cyrulnik, il serait à ses origines un mouvement de défense, de soumission. C’est précisément ce « côté obscur » du sourire qui m’intéresse. Chez la femme, le sourire répond à des stéréotypes sociaux. Dans le couple, dans l’entreprise, en société, l’on attend d’elle d’être agréable, avenante, silencieuse, en un mot – souriante. Ce sourire passe-partout, lisse et standardisé fait partie de ce que j’appelle les « figures imposées » à la femme (au même titre que le croisement des jambes). La femme doit rester discrète, ne pas parler trop fort, ne pas froncer les sourcils de colère,  ne pas faire de grimaces trop appuyées. Son identité sociale est d’emblée souriante. Le sourire devient ici une contrainte, une marque de domination sociale. Cette  face sombre  du sourire se révèle lorsqu’il est amené à durer dans le temps, ou lorsqu’il se répète à l’infini. Lorsqu’elle perdure, cette expression a priori amicale et avenante commence à déranger le spectateur. L’on perçoit la contrainte, la violence. Quelque chose d’inquiétant et d’angoissant se dégage de ces sourires qui se reproduisent à l’identique ou qui restent figés pendant un temps anormalement long.  Je filme en plan fixe des mannequins qui sourient pendant une à deux minutes. Cette durée, difficile à tenir, se rapproche de la performance. Le visage se tend, se crispe, des larmes apparaissent parfois. La souffrance est perceptible au moment de la prise de vue, je m’en sens responsable, comme un bourreau. Au fur et à mesure, le beau sourire se fige et se vide de son sens. Il n'y a pas de son, c'est silencieux. Il en ressort une tension, une douleur qui contraste avec la sobriété et l’aspect lisse de l’image. Les images sont belles… comme une menace. La présentation se fait sur des écrans plasma qui se succèdent, accrochés au mur.
Vidéo: http://vimeo.com/74454141
Vidéo: http://vimeo.com/74446347
Vidéo: http://vimeo.com/74458199
Vidéo: http://vimeo.com/74458198
Pour son site, c'est ici: http://corinnemariaud.com














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