Dans un documentaire, "The Gatekeepers", sélectionné pour les
Oscars, d'anciens chefs du service de renseignements dévoilent leurs méthodes
et jugent que la répression face aux Palestiniens mène à l'impasse. Ils ne sont
ni des pacifistes ni des idéalistes, mais des professionnels du renseignement
et de l'action. Aucun n'a jamais laissé de scrupules moraux interférer avec ses
décisions ni n'a reculé devant des méthodes expéditives pour lutter contre
l'activisme palestinien. Pourtant, tous reconnaissent que la politique
sécuritaire israélienne dans les Territoires occupés n'est pas viable à long
terme. «Ce n'est que de la tactique, pas de la stratégie», résume l'un d'entre
eux. Ils savent d'autant mieux de quoi ils parlent qu'ils ont été depuis trente
ans les principaux responsables de sa mise en œuvre. Le documentaire "Israel
Confidential" (The Gatekeepers, dans sa version anglaise), du réalisateur
israélien Dror Moreh et financé en grande partie par la société française Les
Films du Poisson, est basé sur les témoignages des six anciens chefs du Shin
Beth, le service du renseignement intérieur israélien: Avraham Shalom, Yaakov
Peri, Carmi Gillon, Ami Ayalon, Avi Ditcher et Yuval Diskin. Entrecoupés
d'images d'archives ou d'étonnantes reconstitutions dynamiques réalisées à
partir de photos d'époque, leurs témoignages constituent un document
exceptionnel qui va à l'encontre de beaucoup d'idées reçues et pose avec une
acuité nouvelle la question de l'occupation des Territoires palestiniens par
Israël. "Dans la guerre contre le terrorisme, il n'y a pas de morale" . Ces
hommes portent un regard froid de professionnels sur leurs propres actions. Ils
n'occultent rien de leurs méthodes - recrutement d'informateurs, emploi de
techniques d'interrogatoires relevant de la torture, assassinats ciblés -,
qu'ils considèrent comme justifiées par leur mission. "Dans la guerre contre le
terrorisme, il n'y a pas de morale", souligne Avraham Shalom. Cet homme aux
allures de paisible retraité avait pourtant été obligé de démissionner après le
scandale du bus 300 en 1984, lorsque la presse avait révélé que deux des
Palestiniens qui avaient détourné le car et ses passagers avaient été
froidement assassinés après l'assaut des commandos israéliens, alors qu'ils
étaient déjà prisonniers. "Le problème, c'était qu'il y avait des journalistes",
dit seulement Avraham Shalom. Le film évoque les assassinats ciblés, avec des images
effrayantes de bombes qui explosent silencieusement sur des films en noir et
blanc tournés par des drones au-dessus de Gaza. «Il y a parfois très peu de
temps pour prendre une décision, alors que l'on est capable de tuer comme ça,
en un instant», dit Carmi Gillon. Il aborde aussi la grave crise traversée par
le Shin Beth dans les années 1990, lorsque le service se révèle incapable de
prévenir l'assassinat de Yitzhak Rabin. Les anciens chefs du service évoquent
leur désarroi devant la clémence dont ont bénéficié depuis les activistes
d'extrême droite de la Jewish Underground, dont l'idéologie a inspiré
l'assassin du premier ministre, et qui projetaient de faire exploser le Dôme du
Rocher à Jérusalem. "On doit discuter avec tout le monde" Mais le plus
troublant reste la conclusion qu'ils tirent de leur expérience. Ces hommes, qui
ont passé toute leur carrière à rassembler, analyser et exploiter tous les
renseignements possibles sur les Palestiniens et à monter des opérations
clandestines visant à décapiter les organisations d'activistes, arrivent tous
au même constat: "On gagne toutes les batailles, mais on perd la guerre." La répression
n'est pas la solution. "Nous nous contentons de maintenir les flammes au plus
bas niveau possible, afin de permettre au gouvernement de prendre des
décisions. Mais nous n'avons jamais réglé le problème", dit l'un d'eux. Aucun
d'entre eux n'a une vision très optimiste du futur. Et tous admettent continuer
à réfléchir après leur retraite. "À la fin, on finit par devenir un peu de
gauche", plaisante Yaakov Peri. Ils sont en faveur de négociations, sans
exclure personne, y compris le Hamas. "On doit discuter avec tout le monde,
c'est un principe de base dans notre métier", dit l'un d'eux. Certains sont
déjà allés plus loin que les autres et ont tiré les conséquences de leurs
réflexions. Ami Ayalon avait, en 2002, en pleine intifada, élaboré un plan de
paix avec l'intellectuel palestinien Sari Nusseibeh. Plus récemment, Yuval
Diskin s'est opposé aux préparatifs d'action militaire de Nétanyahou contre
l'Iran et a donné ces dernières semaines plusieurs interviews où il décrit le
premier ministre comme un dangereux irresponsable. La sortie du film en pleine
campagne électorale a déjà fait beaucoup de bruit en Israël. Il a été
sélectionné en finale des Academy Awards, par le Festival de Sundance et figure
parmi les favoris pour l'oscar du meilleur documentaire.
Vidéo: http://youtu.be/FWx0e7KXg0Q
Je vous ai mis un lien
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de signer vos messages....
Drop me a line...
Emmanuel.
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.