Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion... Un film de Jafar Panahi avec Jafar Panahi et Nasrin Sotoudeh.
Malgré les interdictions du régime islamique, l’Iranien
Jafar Panahi signe un film
réquisitoire d’un courage incroyable contre la dictature et en faveur de la liberté
d’expression, qui a été couronné d’un Ours d’or à Berlin. On dit que les taxis de
Téhéran sont des espaces de liberté. Là, dans le secret de l’habitacle, les
opinions s’exprimeraient franchement avec une décontraction teintée d’humour.
La militante des droits de l’homme et avocate Nasrin Sotoudeh, actrice
occasionnelle du flm de Jafar Panahi, n’en est pas si sûre : Pour obtenir une
licence, il faut passer plusieurs étapes dont celle de la moralité. Seuls les
taxis officieux permettent l’émergence d’une parole libre. Le taxi de Jafar
Panahi est tout sauf officiel. Parce qu’un tribunal de la République Islamique
d’Iran lui a interdit de donner des interviews, de filmer, d’écrire, de voyager
pendant vingt ans, le tout assorti d’une peine de prison de six ans et de
quatre-vingts ans de privation de droits civiques, il a choisi de faire entrer
son pays dans l’habitacle d’une voiture. Il y a installé des petites caméras
et construit un document où la fiction, interprétée par des acteurs non
professionnels, se transforme en réquisitoire humain et sensible contre un
régime policier omniprésent. Nasrin Sotoudeh en sait quelque chose... Quand, au cours du
film, elle grimpe dans le taxi, c’est pour y dire sa réalité d’avocate
condamnée à onze ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, emprisonnée
puis graciée mais interdite d’exercer sa profession. Son crime ? Avoir défendu
des victimes de la répression et des mineurs condamnés à mort. Assise à côté de
Jafar Panahi (avec qui elle a obtenu en 2012 le Prix Sakharov remis par le
Parlement européen) , elle dit tout de la peur distillée par les autorités et
de son inoxydable résistance. Prise de risque supplémentaire ? C’est sans
importance, dit-elle. Je sais que du point de vue juridique, filmer comme le
fait Jafar, sans équipe, en omettant volontairement d’inscrire des noms au
générique, revient à jouer avec la loi. Mais nous ne sommes plus dans le
registre du jeu. Jafar est d’un immense courage et je ferai tout pour le
défendre. Chaque jour, depuis cinq mois, Nasrin Sotoudeh se rend devant le
bureau de l’ordre des avocats de Téhéran et y reste jusqu’à midi, poursuivant
ainsi un sit-in protestataire. Des inconnus m’offrent de l’eau, me prodiguent
des conseils, d’autres me menacent, me parlent de pendaison. Un éventail d’opinions
que les divers passagers du taxi de Jafar expriment également. Depuis sa mise à
l’écart des barreaux, Nasrin Sotoudeh ne gagne plus rien. Le salaire de mon
mari doit subvenir aux besoins de toute la famille, mais l’ostracisme dont je
suis victime est partagé en Iran par les minorités religieuses, les bahaïs
surtout, qui n’ont ni le droit d’aller à l’université, ni d’exercer une
fonction publique ou de tenir un commerce. Quand on lui demande si elle place
un peu d’espoir dans le nouveau président Rohani, elle a une réponse de bon
sens : Penser qu’un président de la République va devenir la figure de proue
de l’opposition serait naïf. Il ne faut compter que sur nos seules forces. Rien que pour elle, allez voir ce film qui est un très beau manifeste pour la liberté d'expression.
Regardez: https://youtu.be/HXbPs8QO-f0
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