lundi 4 mai 2015

Taxi Téhéran

Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion... Un film de Jafar Panahi avec Jafar Panahi et Nasrin Sotoudeh. 

Malgré les interdictions du régime islamique, l’Iranien Jafar Panahi signe un film réquisitoire d’un courage incroyable contre la dictature et en faveur de la liberté d’expression, qui a été couronné d’un Ours d’or à Berlin. On dit que les taxis de Téhéran sont des espaces de liberté. Là, dans le secret de l’habitacle, les opinions s’exprimeraient franchement avec une décontraction teintée d’humour. La militante des droits de l’homme et avocate Nasrin Sotoudeh, actrice occasionnelle du flm de Jafar Panahi, n’en est pas si sûre : Pour obtenir une licence, il faut passer plusieurs étapes dont celle de la moralité. Seuls les taxis officieux permettent l’émergence d’une parole libre. Le taxi de Jafar Panahi est tout sauf officiel. Parce qu’un tribunal de la République Islamique d’Iran lui a interdit de donner des interviews, de filmer, d’écrire, de voyager pendant vingt ans, le tout assorti d’une peine de prison de six ans et de quatre-vingts ans de privation de droits civiques, il a choisi de faire entrer son pays dans l’habitacle d’une voiture. Il y a installé des petites caméras et construit un document où la fiction, interprétée par des acteurs non professionnels, se transforme en réquisitoire humain et sensible contre un régime policier omniprésent. Nasrin Sotoudeh en sait quelque chose... Quand, au cours du film, elle grimpe dans le taxi, c’est pour y dire sa réalité d’avocate condamnée à onze ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, emprisonnée puis graciée mais interdite d’exercer sa profession. Son crime ? Avoir défendu des victimes de la répression et des mineurs condamnés à mort. Assise à côté de Jafar Panahi (avec qui elle a obtenu en 2012 le Prix Sakharov remis par le Parlement européen) , elle dit tout de la peur distillée par les autorités et de son inoxydable résistance. Prise de risque supplémentaire ? C’est sans importance, dit-elle. Je sais que du point de vue juridique, filmer comme le fait Jafar, sans équipe, en omettant volontairement d’inscrire des noms au générique, revient à jouer avec la loi. Mais nous ne sommes plus dans le registre du jeu. Jafar est d’un immense courage et je ferai tout pour le défendre. Chaque jour, depuis cinq mois, Nasrin Sotoudeh se rend devant le bureau de l’ordre des avocats de Téhéran et y reste jusqu’à midi, poursuivant ainsi un sit-in protestataire. Des inconnus m’offrent de l’eau, me prodiguent des conseils, d’autres me menacent, me parlent de pendaison. Un éventail d’opinions que les divers passagers du taxi de Jafar expriment également. Depuis sa mise à l’écart des barreaux, Nasrin Sotoudeh ne gagne plus rien. Le salaire de mon mari doit subvenir aux besoins de toute la famille, mais l’ostracisme dont je suis victime est partagé en Iran par les minorités religieuses, les bahaïs surtout, qui n’ont ni le droit d’aller à l’université, ni d’exercer une fonction publique ou de tenir un commerce.  Quand on lui demande si elle place un peu d’espoir dans le nouveau président Rohani, elle a une réponse de bon sens : Penser qu’un président de la République va devenir la figure de proue de l’opposition serait naïf. Il ne faut compter que sur nos seules forces. Rien que pour elle, allez voir ce film qui est un très beau manifeste pour la liberté d'expression. 


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Emmanuel.

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